Noir et blanc

Retour au Brattle Theatre, le meilleur cinéma de Boston. Ou plutôt de Cambridge, puisqu'il est de l'autre côté de la rivière, juste derrière Harvard Square. Un Clouzot magistral et archi-classique du cinéma français d'avant la Nouvelle Vague: "Quai des Orfèvres". Ce film a plus de cinquante ans, un noir et blanc contrasté qui claque d'autant plus que c'est une copie restaurée, et Jouvet campe son rôle de flic avec une modernité et un naturel incroyable, alors que les acteurs de cette époque (y compris Jouvet lui-même dans d'autres films, d'ailleurs) avaient souvent une certaine tendance, forcément visible aujourd'hui, à surjouer un brin. Le personnage le plus fascinant de ce film est celui qui cache le plus de secrets: Dora, la photographe dont il est clairement suggéré qu'elle est plus attirée par la femme que par le mari. Plutôt courageux de faire apparaitre un personnage lesbien dans un film de 1947. Evidemment, pour éviter la censure de ces temps-là, rien n'est dit explicitement. J'aime bien ces films riches de plusieurs niveaux de lecture, qui disent sans dire. Celui-là cache - entre autres, et ce sont ces à-côtés qui donnent de l'épaisseur aux personnages - un portrait attachant du désir homosexuel frustré derrière une intrigue de film policier. Comme s'il avait été tourné pour être compris des dizaines d'années plus tard, parce que le message était trop scandaleux pour les moeurs de l'époque. Mais je m'égare. En fait, je voulais dire que l'actrice qui joue Dora est extrêmement belle et très glamour. J'adore.

Le Brattle, c'est mon paradis ici. Il y a quelques mois, ils avaient fait un cycle "Femmes fatales dans le film noir américain"". Deux films chaque lundi soir. Je les ai tous vu: "La Dame de Shangaï" et "Gilda" avec Rita Hayworth, "Double Indemnity" avec Barbara Stanwyck, "Les Tueurs" avec Ava Gardner, et d'autres. Une autre fois, ils passaient les trois films avec Humphrey Bogart et Laureen Bacall. Puis "Pépé le Moko". Le mois prochain, il y a un Truffaut, un Godard, un autre Clouzot, et puis "Breakfast at Tiffany's" avec la sublime Audrey Hepburn.

Il y a des jours où j'aime Boston. Sans doute une des rares villes aux Etats-Unis où l'on peut trouver de la culture à l'état brut. Et de la bonne, qui fait bien tourner la tête. Ca me fait penser que la semaine dernière, j'ai raté une conférence de Chomsky. Mais je n'avais pas manqué celle qu'il avait faite au MIT un peu après le choc du onze septembre.






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