Dialogue philosophique avec un lombric

Il a plu toute la journée. Les écureuils restent dans leurs nids. Pas un seul n'est visible dans la cour de l'hôpital où je descends fumer. Ils sont remplacés par des vers de terre, énormes, qui sortent par dizaines de la pelouse gorgée d'eau, quittent follement la douce obscurité et la protection de leurs souterrains, et s'aventurent en masse sur le béton de l'allée, comme s'il s'agissait d'une terre promise. Longues virgules qui dessinent sur le sol les caractères d'un alphabet inconnu. Et puis, comme d'habitude, les flaques d'eau vont s'évaporer, l'humidité va baisser, et les lombrics vont tous agoniser lentement, là, sur les dalles, et demain leurs carcasses désséchées et dérisoirement tordues resteront la dernière trace de leur courte vie offerte à nos regards. C'est quand même stupide, un ver de terre. Je les regarde, et je me dis que les êtres humains aussi, souvent, sont irrémédiablement attirés par ce qui va les détruire. Quitter nos confortables cavernes mentales et se précipiter en souriant vers le malheur annoncé, qui brille comme la lumière.





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