Caipirinha et politique internationale

Petit repas entre amis latino-européens. Une française, une bulgare, un couple de catalans, un couple de brésiliens, une andalouse, une portoricaine. Et moi. Et puis deux chats aussi. Pas d'étatsunien à notre table, c'est dommage. En somme, les habituels gauchistes internationaux et universitaires qui croisent leur vision du monde et leurs contradictions d'altermondialistes travaillant aux USA, dans un petit jardin quelque part à Boston. Un apéro à base de caipirinha bien fraiche, faite avec de la cachaça de contrebande venue directement de Porto Alegre. Un excellent repas gargantuesque arrosé d'un petit Bordeaux doux au palais.

Et puis de longues discussions à propos de politique internationale et de la transformation de l'art en produit de consommation jetable. Les plaisanteries standards sur les voisins qui appellent le FBI pour arrêter les comploteurs étrangers que nous sommes, et annuler nos visas de travailleurs immigrés, dire bonjour au satellite-espion, les micros cachés. La conversation part sur le fait que les médias américains et l'administration Bush parlent d'une seule et même voix. Certains d'entre nous parlent de censure, de manipulation gouvernementale, d'asservissement des grands réseaux, de fils invisibles qui guident la plume des éditorialistes.

J'argumente le contraire: la presse et la télévision américaines sont totalement libres et indépendantes du gouvernement, contrairement à ce que pensent mes amis. Ni les reportages ni les articles ne passent par la case Maison Blanche. Aucun besoin. Les médias parlent le même langage que le gouvernement actuel parce qu'ils font partie du même monde, celui des énormes entreprises protéiformes, mondiales et multimilliardaires dont le but principal n'est pas d'éduquer ou d'informer le public, mais de faire de l'argent et de défendre leurs intérêts aux quatre coins de la planète (AOL Time Warner CNN, General Electric NBC Microsoft, Disney ABC, etc, etc). C'est toute la beauté du système américain: l'ignorance du monde extérieur et donc le manque de références culturelles, géographiques ou historiques, et l'absence d'une culture du scepticisme de la majorité de la population, alimentés par un patriotisme pathologique, excellent outil pour empêcher de penser, font que la plupart du temps les américains se contentent des concepts binaires et simplistes servis par les médias d'importance. J'ai la naïveté (prétention?) de croire que la situation, bien que largement similaire, est tout de même un peu meilleure en Europe. Nouvelle tournée de caipirinha.

Et puis ce matin, évidemment, mal à la tête. Le feu brésilien a encore frappé.





[guillermito a gmail com] - [Home]