Petites annonces

J'étais à Paris ce week-end, pour la fête UNGI (rencontre réélle d'amis virtuels, dont je reparlerai certainement). Chez le pote qui m'a hébergé, je suis tombé sur un journal de petites annonces, qui s'appelle justement "J'annonce".

Il faut dire que j'ai toujours aimé lire les annonces. Dans ce genre de journal, je ne regarde en général que trois rubriques: le matériel informatique, les voitures de collection, et les rencontres/mariages. Il m'est d'ailleurs arrivé d'écrire dans cette dernière rubrique (dans des journaux que par pudeur je ne citerai pas) des annonces délirantes, par curiosité et pour le plaisir de recevoir du courrier. C'est amusant de recevoir dans sa boite 500 lettres en quelques semaines, et de répondre aux plus intéressantes. C'était une époque ou j'aimais noircir du papier, remplir des pages de réflexions personnelles que je ne revoyais jamais une fois la lettre postée.

Mais je digresse (je ne serai jamais journaliste, car je finis toujours par raconter ma vie). Donc, je lis dans ce journal les annonces de rencontre. Comme toujours, elles sont pathétiques, parfois amusantes, souvent déprimantes. Je passe à la rubrique "International". Et là, un choc: au moins 90% de ces annonces viennent des pays de l'Est. Russie surtout, mais aussi Ukraine, Roumanie, Bulgarie, Hongrie... Et le texte ne laisse pas place au doute. Ce n'est pas "Ch ami pr corr et + si aff", c'est "ch h pr mariage". Directement. Le niveau d'études vole généralement très haut: médecins, professeurs, musiciennes, ingénieurs....

Des exemples? Allons-y:

    "Helen, 25 165 50, russian teacher,
    f english, pretty & educ, wants to
    meet a man for marriage (Moscow)"

    "Lady 42 174 68, mathematician,
    slender, attractive, separated, 2 kids,
    sks honest, educated, handsome man, up
    to 48, for marriage (Romania)"

Laissons de côté la puissance fantasmatique qu'ont ces annonces (et à laquelle je n'échappe pas, en tant que méditerranéen moyen) grâce à leur mystère, au charme slave, à l'apparente facilité. Il y a dix ans, ces rubriques étaient pleines d'annonces venant d'Afrique, d'Amérique Latine, d'Asie. Le temps a passé, les réalités géopolitiques et économiques ont changées. Aujourd'hui ce sont les femmes de l'Est qui sont prêtes à se vendre aux riches occidentaux que nous sommes, en échange d'un peu de sécurité, d'une vie moins misérable, d'un quotidien moins chaotique. On n'y peut rien. Comment ne pas les comprendre quand on voit la situation économique et sociale dans ces pays? Mais ça fait quand même mal, très mal, de voir des femmes sans autre espoir que de tout abandonner, de tout risquer pour rejoindre les privilégiés que nous sommes. Des femmes obligées de sacrifier leur indépendance pour pouvoir vivre "normalement".

Je n'ose même pas penser à ce qu'il se passe par la suite, entre un type qui est persuadé de s'être acheté une jolie Russe comme il se serait acheté une jolie voiture japonaise, et une fille qui certainement déchante rapidement et s'aperçoit qu'ici non plus, ce n'est pas toujours le paradis. Des mariages de ce genre doivent réussir une fois sur mille. Enfin, si ça peut permettre à la fille en question de trouver du boulot, un autre mec et de redémarrer une nouvelle vie, c'est toujours ça de pris.

Morale de cette histoire: pour vous tenir au courant de la situation économique mondiale, inutile de lire Le Monde Diplomatique, vous en apprendrez autant en parcourant les journaux de petites annonces.





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